fbpx

Au sujet du livre… genèse d’un projet

L’écriture du livre fut une vraie aventure. L’observation au fil des saisons, au fil des jours, au fil des heures a permis de rassembler autour des mots les découvertes, les sensations, les images figées par les nombreuses photos et rendues par les longues heures de film.

Le tout dans le jardin d’ORIANCE, lieu de magie  et d’échanges, aux dimensions quelque peu « révolutionnaires » ( 1789m2).

Les voyages forment …

-Les voyages forment la jeunesse !
Qu’est-ce que c’est que cette absurdité, dirent les trembles?
Nous sommes enracinés à vie ! Et d’ici, nous voyons en haut que nos amis aux environs ne bougent pas depuis des décennies, d’où vous viennent ces idées loufoques, les noisetiers ?

Le chêne intervint :
-Nos noisetiers amis sont de doux rêveurs, vous le savez, ne vous emportez pas ainsi. Ils éprouvent le besoin d’imaginer une vie meilleure ailleurs et, en même temps, regardez-les, ils sont heureux ici aussi.
Nous les aimons tous, tant ils dégagent de l’enthousiasme et ils aiment la vie dès qu’ils s’éveillent de notre engourdissement aux coins de nos racines.
Ils s’émerveillent chaque année avec la même ferveur devant les jeunes pousses et le déroulement de nos nouvelles feuilles ainsi que de la beauté de nos fleurs colorées, et de tout ce qui vit.

-Oui, renchérirent les frênes, ils mettent de la gaieté, souvenez-vous de l’histoire du cosmos quand un vaisseau venu de l’espace a atterri dans notre jardin, nous avons beaucoup ri de leur interprétation d’une visite des extra-terrestres, et ils avaient bien raison. Leurs rêves rejoignent parfois la réalité.

-C’est vrai, répondirent les trembles, nous avions oublié cette épisode fantastique.

Les fougères et les bambous voulurent eux aussi donner une interprétation du voyage.
-Voyager, cela signifie se déplacer, faut-il vraiment aller très loin pour apprendre ?
Nous, nous traçons nos racines sur plusieurs mètres et un beau jour les petits des petits ont quitté le nid douillet de notre jardin.
Ils découvrent d’autres horizons et côtoient d’autres végétaux, d’autres êtres vivants. Leurs sens, leurs cellules s’enrichissent à d’autres expériences, d’autres savoirs et ils ouvrent leurs pensées.

-Ils ouvrent leurs pensées, ils enrichissent leurs expériences, marmonnèrent les trembles. Est-ce vraiment nécessaire, nous avons tout ici, c’est une dépense d’énergie inutile et ce n’est pas sans risque ?

-Certes,répondirent les plantes traçantes et ces risques nous les prenons car rien ne remplace la découverte.
Pour nous c’est la vie, c’est notre philosophie mais nous comprenons que le besoin de sécurité est aussi attrayant.

Un certain nombre d’arbres et d’arbustes muets jusque là voulurent offrir une autre interprétation du voyage.

-Certes, nos racines sont immobilisées dans cette belle terre et dans cet endroit agréable à vivre.
Nous estimons cependant que nos graines volent parfois très loin et germent là où elles tombent. Nous permettons ainsi à nos graines de faire naître une de nos semences dans un autre monde qui évoluera autrement dans un autre environnement.

D’autres plantes ajoutèrent :

-Et n’oublions pas nos amis les animaux, les oiseaux, les écureuils, les insectes qui transportent un peu de notre production et les emmènent ailleurs parfois très loin et nous ignorons où, tant l’horizon est loin et d’autre terres attendent d’être fertilisées.
Et nous pensons qu’ils ont de la chance d’apprendre d’autres usages.

Nos amis venant du Japon écoutaient silencieusement et acquiescèrent délicatement, ils exprimèrent leur sentiment et leur réflexion :
-Depuis quelques années, vous nous avez accueillis, alors que nos origines sont lointaines. Ce sont aussi des graines et des boutures qui permirent notre vie ici.
L’amour de l’exotisme apprécié par les humains des arbres de pierre favorise tous ces échanges..
Nous sommes persuadés qu’une diversité réfléchie et sylvestre apporte la connaissance des différences,une richesse de vie ensemble et un réel bonheur.

Le hêtre pourpre pensait à l’eucalyptus qui lui ne souhaitait pas voyager, il aurait tant voulu rester enraciné dans sa terre natale, d’autant plus que ses amis embarqués sur le même navire n’avaient pas survécu.
Il voulut rappeler cet événement pour nuancer le propos.

-Je pense aussi que côtoyer d’autres êtres vivants est essentiel pour confronter nos idées et relativiser nos certitudes. La connaissance est précieuse certes, et en même temps, l’histoire triste de l’eucalyptus fait réfléchir.
Certains arrivent sur une terre différente et tentent de s’intégrer et si tous les ingrédients d’accueil et de survie sont favorables,nous sommes tous gagnants !
Les voyages qui forment la jeunesse exigent de lourds sacrifices parfois mais peuvent offrir des cadeaux précieux de la vie : l’amitié, l’amour et la Connaissance.

Les partisans de rester toujours là où ils sont nés parlaient en même temps et forts car ils étaient en colère, une colère née de l’absurdité des partisans qui rêvent qu’une vie ailleurs enrichit la vie.

En effet, il régnait un tel désaccord que même le chêne ne parvenait pas à calmer les velleités.
Dès qu’il tentait une médiation comme à son habitude, les critiques fusaient de toutes parts.
Jamais la végétation de ce coin toujours paisible ou presque n’avait posé de réel problème.

Le chêne se dit :
Mais bon sang, je n’arrive pas à en placer une…C’est comme si je n’existais pas !
Ils ne s’adressent plus à moi, pourtant je suis leur sage qui les éclaire sur une voie de paix et de compréhension mutuelle !
-Dites les amis ! En haussant le ton, mais peine perdue, tous les arbres criaient encore plus fort.

Les plus grands arbres, les trembles, les frênes, les marronniers, les chataigniers et les hêtres défendaient bec et feuilles que vivre ici permettait une évolution supérieure.

- Quel besoin de partir alors que nous avons tout à proximité, nourriture abondante, eau riche et limpide à foison, un entretien régulier, des humains qui vivent sous notre feuillage.

Quant à la Connnaissance, souvenez -vous, chaque hiver nous nous racontons dans le creux de nos racines nos vies et nos traditions et les jeunes apprennent l’essentiel ; comment vivre ensemble, l’histoire du jardin, les amours vécues, nos tragédies et nos fous rires et le plus important : notre fonctionnement biologique, affectif et nos stratégies de défense pour faire face à l’adversité….
Et toutes nos petites histoires de vie avec nos amis les animaux et les bêtises des humains que nous observons.
Et enfin, les histoires folles vécues venant du ciel et du cosmos.
Nous apprenons sans fin, que vous faut-il de plus ?

Et le chêne ajouta doucement :

-Et l’amour que nous partageons dans les peines, les joies et… notre solidarité.
Les enfants calmez-vous, s’il vous plait, je ne vous reconnais pas !

Les arbres plus petits et les arbustes répondirent avec de la colère dans la voix.

- Ca suffit, ce n’est pas parce que vous êtes grands que vous avez le droit de nous dicter notre conduite.
Etre grand en taille ne signifie pas être intelligent, vous êtes toujours méprisants avec plus petits que vous.

-Oui, renchérirent les bambous avec quellle méchanceté vous avez critiqué nos brins d’herbe et nos pissenlits et nos trèfles, bref tout ce qui rampe au sol.

-Nous, les fleurs, nous ne nous sommes jamais senties critiquées…

-Ah non forcément vous êtes les stars colorées, tout le monde s’extasie devant vous.
Vous ne pouvez pas comprendre ce que nous ressentons, nous les plus humbles du jardin, c’est sans cesse que ces géants prennent le pouvoir, au nom de quoi, vous pouvez le dire .

Le chêne paniquait presque, tant les propos haineux laisseraient des traces et qu’il lui faudrait réparer les blessures d’amour-propre et les sensibiltés.

-Les enfants, les enfants s’il vous plait,…
Je crois que je devrais moi aussi me former mieux car je n’arrive pas à apaiser les passions !
Nous sommes en guerre des idées et des convictions, heureusement que nous ne possédons pas d’armes sinon je ne répondrais de rien…

Et cela repartait de plus belle !

Les noisetiers , les haies de lauriers, les futaies, les houx, les yuccas et les bambous s’agaçaient.
- Nous en avons assez de votre hégémonie des grandeurs !
Oui vous voyez beaucoup plus loin que nous, et alors ça sert à quoi ? A rien qu’à vous enorgueillir d’être supérieurs et créer des besoins chez nous qui sont impossibles, des rêves inaccessibles !
Même si les lierres, qui sont comme nous « humbles », s’enroulent autour de vous pour tenter d’accéder à cette Connaissance.
Nous, nous récoltons des miettes et encore, celles que vous daignez nous laisser.
Heureusement nos amis venus d’ailleurs nous ont enseigné davantage que vous !

Le chêne cria :
- STOP C’EST FINI !
Je vous interdis de dire des bêtises pareilles, nos amis les géants sont les garants de notre sécurité et ont toujours joué leur rôle.
Qu’est ce qui vous prend ?

Silence…

Jamais ils n’avaient entendu de tels propos de la part de leur sage. Mais les tensions étaient palpables.

Les géants de ce coin étaient abasourdis devant la véhémence des paroles des plus petits, jamais ils n’avaient imaginé leurs frustrations.

Les frênes et l’érable tentèrent un dialogue pour comprendre.

-Désolés, vous nous reprochez quoi exactement ?

Le marronnier et le chataignier un peu indignés par ces accusations excessives tremblaient de tout leur feuillage tant ils semblaient blessés.

Ils exprimèrent :
-Dites, vous nous détestez tant que cela, nous n’imaginions pas à quel point vous souffriez d’être plus petits.Vous ne voyez pas aussi loin que nous mais nous vous expliquons ce que nous voyons, nous partageons ce que nous voyons, nous vous prévenons d’un danger dès que nous le percevons.
Nous vous avons toujours protégés, c’est notre rôle.

Les trembles, les hêtres, les frênes opinèrent délicatement leurs tiges.
-C’est tellement important pour vous ?

Devant la tristesse qui émanaient de leurs amis, les plus humbles se radoucirent un peu, se rendant compte de l’injustice de leurs paroles.

-Il est vrai que nous y avons été un peu fort mais s’élever dans la société végétale est un but dans la vie et nous souhaitons que nos jeunes puissent vivre plus haut et mieux.
Alors, ou nous grandissons ou nous allons voir si l’herbe est plus verte ailleurs…
Pour évoluer dans nos connaissaces, nous devons voyager pour confronter notre vie, nos savoirs et nos certitudes aux autres et devenir plus sages comme notre chêne.

Les lierres et les fleurs qui s’enroulaient autour d’un support comme le jasmin et le chêvrefeuille exprimèrent aussi leur sentiment de vouloir grandir pour découvrir le monde autrement, que c’était vital pour leur fierté.

-Nous avons l’impression que c’est un devoir de réaliser quelque chose pour nous dépasser, que nous serons d’autant plus heureux de nous regarder sur le miroir de l’arbre de pierre quand le soleil mettra en lumière notre reflet sur ce mur blanc immaculé.

Les paquerettes, les pissenlits, les trèfles et toutes les herbes acquiescièrent.
-Ce que vous dites là, c’est vraiment ce que nous vivons et comprenez aussi que nous sommes écrasés en permanence dans cette société.
Peu se soucie de nous, quelques-uns nous cueillent pour nous effeuiller gentiment au nom de l’amour ou d’un vœux, nous avons un rôle reconnu.

Mais la plupart du temps, on nous foule, on nous tond à peine sortis, sans égard pour notre souhait de vivre un peu plus longtemps.
Peut-être que si nous apprenions des possibilités de nous épanouir autrement et communiquer avec d’autres espèces d’ailleurs, notre vie serait différente ?

-Nous rêvons sûrement comme d’habitude ; dirent les noisetiers, nous sommes plus hauts que vous mais, dès que nous tentons de grandir davantage, le poids des tiges et des feuilles nous fait courber la tête comme pour nous rappeler notre condition..

Les trembles très sensibles à toutes ces réflexions se regardaient car non seulement c’étaient les géants de ce jardin mais les plus nombreux aussi.

-Donc vous avez l’impression que nous détenons le pouvoir dans le jardin d’Oriance ?
C’est surprenant, nous sommes décontenancés car nous n’en avions pas vraiment conscience.
Nous pensions être responsables de la sécurité de tous ,oui mais pas d’être supérieurs à vous, non, non du tout.
Et vous les amis grands aussi , qu’en pensez vous ?

-Non, nous non plus , nous sommes sidérés.

Comme à son habitude, le chêne sentant que le calme était revenu, reprit la parole du sage de cet endroit.

-Voyez-vous les amis, l’estime de soi se lit aussi dans les feuillages des autres et tous, quelles que soient notre grandeur, notre place et notre rôle, nous avons besoin d’exister, de remplir un rôle et d’être reconnus comme un végétal à part entière, c’est une des clés du bonheur.

Et pour y parvenir, comprendre la vie et s’élever dans la Connaissance est un chemin essentiel.

Alors posons nous les grandes questions…
-Comment pourrions-nous ensemble apporter des solutions aux demandes des uns et des autres ?
-Comment malgré nos grandeurs et nos places différentes pourrions-nous apporter davantage d’égalité ?
-Comment mieux partager nos savoirs ?
-Et existe-t-il un chemin qui permettent aux végétations de puiser ailleurs d’autres savoirs ?
-Comment mieux communiquer entre nous ?

Les noisetiers ne se tenaient plus, la futaie toute entière murmurait et s’agitait.
-Nous avons une idée géniale, s’exclamèrent les noistiers:
Lors de leur visite, les extraterrestres nous ont légué le livre du savoir universel, l’arbre des connaissances et le cœur de toute chose, souvenez -vous ?
Alors ouvrons toutes les feuilles et allons au cœur de la vie, nous y découvrirons l’essence de l’existence.

La végétation toute entière en resta muette.

La proposition était la solution, mais oui !

-Pourquoi n’y avons-nous pas pensé plus tôt, ces noisetiers toujours en quête d’exotisme nous étonneront toujours, dit le chêne !